• Violences pour tous

    Me voila donc de retour dans la vraie vie, celle où l'on meurt parfois... En vacances, j'essaie d'oublier , parfois j'y parviens...

     

    Au quotidien, c'est impossible, dans le service où je travaille, Elle rode, attend son heure et emporte son tribu...

     

    De retour, donc, fraiche et guillerette... Toute neuve de ces mauvaises nouvelles qui pouvaient m'attendre... J'avais été raisonnable et je n'avais pas lu le mail de transmissions... Une premiere...

     

    En bas du bâtiment, j'ai commencé par taper la causette avec un ancien patient... En grande phase d'amélioration, un brin bavard et charmant... On a parlé de sa rééduc, de la pluie, du beau temps et de la rentrée des enfants...

    Ma gaité n'a même pas été entamée par les rabats-joie croisés en gagnant mon bureau... Et puis j'ai allumé l'ordi et la réalité m'a peu à peu rattrapée...

     

    Décès en attente... Famille à voir... Compagne à recevoir... Compagne? Je croyais que c'était une dame la patiente?? Oeil interloqué de la secrétaire... Ben c'est possible, elles sont pacsées... Oui, Oui mais je planais...

    Alors, je prends connaissance de la situation... Incendie... Plus d'activité cérébrale a priori... Diagnostic à confirmer mais le pronostic est très mauvais...

     

    Je lis le rapport des pompiers... J'ai du mal à comprendre les circonstances de l'incendie, chacun me donne une partie d'une version de l'accident... Qui n'en serait pas un...

     

    Je rencontre la famille, prépare la fin de vie, j'explique, j'oriente, je parle des vêtements qu'il faudra apporter... J'aborde les souhaits de la mourante... Le représentant du culte, les obsèques... Je parle doucement, lentement, je caresse une main, fais des pauses... J'écoute les silences... Et puis je sollicite la présence de la compagne, rappelle ses droits... Et le silence se fait plus éloquent...

    Et puis, à travers les mots et les non-dits, je comprends que ce n'est pas l'homosexualité qui est rejetée mais la complexité de leur relation... J'entends la peur de ce qu'ils ne savent pas, de ce qu'ils ont perçu, de ce qu'elles ont laissé voir...

     

    Alors je reçois la compagne seule, j'écoute sa colère... Sa culpabilité qu'elle s'efforce de nier, sa peur, sa jalousie et aussi leur violence... Une relation qui s'étiole petit à petit, des mélanges d'alcool et de médicaments pour faire taire les maux... Mais aussi ces mots qui dépassent la pensée, la violence de l'impuissance, de la frustration, de l'immaturité affective...

     

    Mais dans ce couple de femmes, la force physique est égale, la force morale n'est pas calculable puisqu'une seule aura désormais la parole... Alors, je hièrarchise les priorités... Les violences conjugales entrainent la mort, c'est vrai... Mais dans ce cas présent, il sera difficile de savoir ce qu'il s'est passé ce soir là...

    L'urgence ce sont les obsèques, pour permettre à la défunte, qui s'est envolée au cours de nos entretiens, de reposer en paix... Et aussi d'offrir à chacun l'accompagnement qui apportera l'apaisement de la souffrance du deuil...

     

    Le dernier entretien aura été celui de la médiation... La famille et la compagne, dans mon bureau... Et devant les désaccords, j'ai pris le problème à l'envers... En commençant par le lieu du recueillement pour terminer par la cérémonie religieuse et le choix des vêtements...

    Chacun a fait un pas vers l'autre... Trouvé un compromis vers le concensus...

     

    La famille sera libre de faire suivre l'enquête... J'ai gardé mon intime conviction... Je suis là pour accompagner, pas pour juger...


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