• Il y a quelques mois, une mère refusant l'arrêt de l'alimentation orale pour sa fille m'a dit: "Il y a des non-vies qui ne valent pas la peine d'être vécues"...

     

    Pourtant le décès de sa fille a été tout à la fois un déchirement et un soulagement pour cette mère... Déchirement de voir partir son enfant... Mais soulagement de ne plus assister à sa souffrance...

     

    En réanimation, chaque jour les limites de la vie sont repoussées... Souvent dans la joie de la famille et des soignants, quand une infection est combattue qui permet au patient de retrouver ses pleines capacités...

     

    Mais parfois aussi le passage dans ce service marque le début d'une altération de l'état général d'un patient souffrant de maladie évolutive et invalidante...

     

    Aussi, simplement, le patient envoyé par des services de cancérologie pour tenter l'impossible va mourir pendant la phase de traitement curatif sans avoir le temps du passage au palliatif... Ou bien l'accident de la vie, rapide, fatal...

     

    Dans les situations d'aggravation de l'état général ou de décès imminent, on assiste à toutes sortes de comportements... Patients, familles, soignants, chacun va vivre l'évenement à sa manière, en mettant en place des processus de protection plus ou moins efficaces, plus ou moins visibles, plus ou moins agressifs...

     

    Mais presque tous on oublie que la mort n'est finalement qu'un des élements de la vie... On nait, on vit, on meurt... Ce qui compte n'est ce pas ce qui se passe entre la naissance et la mort? La richesse qu'on y met, l'amour, le plaisir mais aussi les peines, les émotions... Que serait la vie sans toutes les petites émotions (plus ou moins agréables) du quotidien?

     

    Et je souffre régulièrement de devoir rappeler, dans mon rôle d'assistante sociale, que certainement la durée de la vie est importante mais que l'essentiel c'est bien sa qualité...

    Il faudrait redonner à la mort sa place réélle, ineluctable, finale d'une relation à l'autre, à un être aimé. Redonner aux proches la force de l'apprivoiser et non de l'affronter...

    Accompagner, entourer, rassurer, faire des derniers moments le temps des au-revoirs dans la douceur et surtout pas dans la résignation...


    Mais en fait, pour pouvoir accompagner les familles dans la violence d'une telle séparation, il faut pouvoir apprivoiser soi-même ces deuils... Et c'est une autre histoire...


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  • La mort c'est parfois notre quotidien dans ce service... Cet hiver a été particulièrement long et meurtrier... Meurtrier de ces pathologies évolutives ou de ces handicaps parvenus à l'âge fatal...

     

    Chaque décès nous touche, mais tous nous interpellent différemment, chaque individu qui part laisse un vide pour les siens... Et nous montre chaque fois un peu plus combien la médecine progresse mais qu'encore tout reste à faire...

     

    Tout reste à faire dans chaque domaine... Bien sur la recherche est importante mais finalement l'échéance reste la même pour tous... Tu es né poussière, à la poussière tu retourneras...

     

    Mais surtout pas n'importe comment...

     

    Chaque jour, l'importance de notre rôle de soignant ou d 'accompagnant m'apparait... De plus en plus j'entends combien notre présence bienveillante au cours de l'hospitalisation est essentielle... L'assistant social ne gère pas QUE les papiers et surtout pas à l'hôpital... Nous sommes le seul membre de l'équipe soignante qui ne fait pas du soin... Et pourtant... PRENDRE SOIN c'est si important... Chaque jour, je mesure combien je reste une assistante sociale... AU milieu et part intégrante d'une équipe... Nous formons les maillons d'une chaîne... Chaîne qui n'existe, finalement, que dans l'intérêt du patient...

     

    Et qui finalement nous apprend chaque jour un peu plus sur nous-même, notre métier, notre fonction?

     

    C'est le patient, ses proches... Le reste de l'équipe...

     

    C'est la force de chacun qui me fait aller avec plaisir et envie chaque matin rejoindre ce lieu finalement si dur...

     

    Cette semaine, deux patients ont rejoints les anges... 20 ans et 40 ans... Trop jeunes pour partir... Et pourtant si pleins de vie... Si optimistes, si plein de vie, d'espoir, de gaité et de générosité...

     

    La première est partie discrètement, la nuit, entourée des siens... Son beau regard bleu... parfois absent me hante un peu... Maladie génétique... Age mental d'un bébé... Pas d'accompagnement administratif des parents... Celui de la fin de vie, compris... retardé au maximum... mais inéluctable...

    J'ai choisi... tout était en place... ALors j'ai lu des histoires... Parfois... J'ai caliné... Souvent... J'ai écouté la maman... Beaucoup... J'ai plaint la jumelle... Inévitablement... J'ai admiré... Tout le temps... Cette famille unie, heureuse malgré le handicap... Leurs forces et leurs faiblesses... Et j'ai espéré aussi... Que cette hospitalisation ne soit pas la dernière... Et j'ai éludé... Finalement, son départ parmi les anges m'a laissée vide, étonnée, choquée... Quand autour de moi chacun  me disait:"" Mais enfin c'était prévu"...

    ALors NON pas pour moi, je n'ai pas voulu voir ni entendre... Moi l'adepte de l'IVG pour raisons médicales... je m'étais attachée à cette jeune fille... Au point de l'aimer, au point de lui donner de moi, de mon temps...De me battre contre l'idée d'une nutrition artificielle qui l'aurait peinée mais sans doute "prolongée"...

    Mais que vaut la vie sans plaisir?

     

    Et pourtant, qui a reçu le plus dans cette histoire? C'est sans doute MOI, j'ai reçu la force de cet enfant qui jamais ne se plaignait, de sa mère, de son père, de son frère et sa soeur qui lui donnaient toute leur énergie, de ses sourires en récompenses de mes caresses ou de mes lectures... De son amour de la vie, spontané et entier quand chaque jour je dois me rappeler ce qui me fait me lever...

     

    Le second a pris son temps... Acceptant les traitements de la dernière chance, brulant sa vie par inconscience ou par amour... Toujours avec optimisme et générosité... A la fois créant le rejet par son comportement hors norme et provoquant l'affection par son amour total de la vie...

     

    Il m'a marquée cet homme... Exposant son corps sans limite et pourtant ne me dévoilant son esprit qu'à la fin... Un homme généreux, léger... Heureux malgré ses souffrances mais finalement tellement attentif à ses proches...

    Je lui ai fait violence... L'obligeant à s'interroger sur sa succession, sur la fin de sa vie, sur ses désirs d'après... Et pourtant, il m'a remerciée, m'a rassurée sur mon rôle, me disant qu'il avait trop trainé à faire ses papiers, l'offrant la confiance de ses proches...

     

    A ces deux anges, je souhaite le meilleur de l'au-delà... Si le paradis existe, ils l'ont déjà gagné... Ils ont tant donné...


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  • Oui on peut toujours y croire !!

     

    De droite ou de gauche, même topo, on nous promet que tout ira mieux… Etant donné les capacités économiques de nos politiques, permettez-moi d’en douter… Enfin, j’dis ça, j’dis rien… De toute façon, j’étais nulle en économie… Mais après quelques années de cours intensifs avec mon chéri, ça commence à venir !

     

    Le domaine que je maîtrise c’est celui du social… enfin, maîtriser est un grand mot… Parce que d’abord, il faut avoir des solutions existantes pour les trouver… Mais quand elles existent, je vous promets qu’elles ne me résistent pas… Nannnméo !!

     

    Cependant, il y a une partie que je ne comprends pas… C’est celle de la justice… Ahhh ils en ont des règles dans les commissariats !!! Et même que les OPJ que j’ai au téléphone, je les trouve plutôt sympas et sociaux… Mais voila… les moyens ne suivent pas…

     

    Les pompiers interviennent, la police fait les prélèvements, le maire adjoint promet le relogement et……………… part vivre sa petite vie de notable bien au chaud… Des idées ils en ont… Pour les actes… Comment dire… Poliment ??  J’trouve pas poliment… J’attends vos propositions tiens !

     

    Et à 17 heures, tu te retrouves à demander au médecin (social LUI) de te garder les patients encore une nuit au chaud (et à ce prix là on pourrait leur offrir un 5* sur les champs ‘) parce que tu as enfin réussi à secouer le cabinet du maire qui a refilé le bébé à son service social qui a fini sa journée… Et wait and see pour le lendemain matin…

     

    Quant au marchand de sommeil qui doit bien dormir au chaud avec sa location qui lui rapporte un max’ il peut dormir sur ses deux oreilles, ce n’est pas demain qu’on viendra lui reprocher sa façon de faire…

     

    Au suivant !

     

    Et puis il y a le problème des Roms… Vous savez, ces vilains qui viennent tendre la main l’air pathétique et le bébé dans les bras… Ah pas bien… Il faut les renvoyer chez eux… ça fait tache dans Paris…

    Mais est-ce que quelqu’un se demande ce que cela cache ??? Font-ils cela de leur plein gré ?? Ont-il le choix ??

    Quand il sont exploités par leur propre communauté… Que ceux qui parlent un peu français exploitent les « ignorants »… Quand leur service de pompes funèbres leur vole l’argent de la vente de leurs bêtes et de leur ferme (2500 euros et pas un sou de plus) et qu’ils n’ont plus que leurs yeux pour pleurer misère… Que la police répond que la seule solution reste l’enterrement pour indigent sur une terre qui n’est pas la leur…

     

    Mais finalement y’a bien l’assistante sociale pour ça !!

     

    Et même pour remplir le papier manquant de l’africain presque aveugle qui ne sait pas lire et attend un rappel de 6 mois d’AAH… Ben l’a qu’à retourner voir son assistante sociale pour le remplir et hop on perd encore 15 jours !!

     

    Et moi je suis épuisée, dégoûtée de me battre contre des moulins à vent, de ne faire que ce que me permet mon boulot, c’est-à-dire le minimum pour m’entendre remercier à profusion d’être une « gentille madame » !


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  • L'avantage de mon métier réside dans les rencontres... Seul l'humain compte... Et à chacun, il faut donner le meilleur de soi-même du point de vue professionnel...

     

    J'entends souvent les familles me dire: " Votre métier est difficile, je vous admire"... Et ça me surprend toujours car j'ai l'impression de recevoir bien plus que je ne donne... Je prends bien garde de me protéger... Et puis chacun sa croix...

     

    Ces dernières semaines, plusieurs familles ont été fortement éprouvées... Perdre un proche, c'est toujours difficile mais perdre son enfant... c'est... Indicible... d'ailleurs la langue française ne propose pas de mot pour qualifier ces parents devenus orphelins...

     

    Et ce mercredi, pourtant toujours très fatigant, irritant, usant m'a paru gratifiant... De quoi devrais-je me plaindre?? Mes enfants sont en bonne santé, pleins de vitalité, toujours prêts aux petits bonheurs du jour...

     

    ça nous semble normal... A l'heure des échographies, l'enfant presque parfait doit être la norme... On oublie trop facilement que certains parents n'ont pas eu le choix ou bien qu'ils ont fait celui d'assumer leur enfant "imparfait"... Mais imparfait pour qui?? A quel titre??

     

    On oublie que l'enfant qui naît, quelques que soient ses particularités, visibles ou non, plus ou moins limitantes dans ce monde qui se voudrait idéal est toujours spécial... C'est notre enfant, celui qu'on a espéré, attendu, rêvé...

     

    Et la réalité nous rattrape toujours, quel que soit l'enfant, parce qu'il est avant tout, un individu doté d'un caractère propre et qu'il l'affirme...

     

    Je fais partie des "Mamans qui râlent"... Parce que je veux bien faire... tout faire... Trop faire?? Mais ces derniers jours, je me suis dis que, finalement, ma capacité  à éduquer mes enfants est bien restreinte face à ces parents qui sacrifient leur quotidien pour que simplement leur enfant ne souffre pas...

     

    Que dire à cette maman qui s'est effondrée dans mes bras en voyant partir son enfant? Qu'elle a choyé pendant 23 ans au quotidien, sans jamais flancher ni cesser de travailler... Que lui répondre quand elle me dit qu'elle sait qu'il sera bien désormais mais qu'elle ne sait pas comment survivre...

    Je n'ai rien dit... Il n'y avait rien à dire... Il en faut du courage pour prendre LA décision qui sera fatale toujours par amour et protection...

     

    ALors ensuite, je suis allée lire une histoire à cette jeune fille au regard de petit enfant, j'ai dégusté ses sourires, son seul moyen de communication... Profiter de ce petit moment câlin où je n'étais plus ni l'assistante sociale ni une maman... Juste quelqu'un qui voulait partager un petit moment hors du temps...

    Et puis ma sonnette d'alarme c'est déclenchée... Etait-ce bien raisonnable de m'accorder cette parenthèse? Risquer le danger de l'attachement...

    Et bien sans doute que oui... Sa maman, la veille, alors qu'on échangeait sur les limites qu'elle poserait à des soins invasifs, m'a déclaré: "Vous savez, il y a des non-vies qui ne valent pas la peine d'être vécues... Et je refuse qu'on lui enlève le plaisir de manger"...

     

    Et toutes ses mamans (les papas sont présents mais ne se livrent pas) racontent les anecdotes joyeuses du quotidien... Leurs manières de contourner les difficultés... Les joies, les peines et surtout elles livrent tout leur amour... Une façon de profiter de chaque petit moment...  Comme si ces enfants différents avaient une capacité à faire vivre l'amour plus fort...

    Mais l'amour, Balotine le raconte si bien que vous irez la lire ici.


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  • Certains jours, on se dit qu'on pourrait faire autre chose, bosser ailleurs parce que finalement tous les postes se ressemblent... On arrive, on découvre et puis un jour on se lasse et l'envie d'aller brouter l'herbe peut-être plus verte d'un autre poste nous incite à refaire notre CV...

     

    Surtout les jours où l'on va en réunion contre son gré, s'attendant à être déçu par ce qu'on y entendra... Mais finalement, on arrive pas par hasard à un poste à haute responsabilité...

     

    Hier encore, face à notre chef de service qui ne se résigne jamais, j'ai repris une leçon de vie... Bien sur, on était là pour évoquer la fin de vie... Et quand certains pensaient d'abord à l'organisation de cette fin de vie, dans le but louable qu'elle se passe le mieux possible... Lui parlait encore traitements, possibles ou non, dignité du patient et de la vie, la vie jusqu'à la seconde même de la mort... Pas dans les jours avant, ni même les minutes, les secondes qui la précédent, il parlait de la vie, uniquement de celle qui fait qu'on se lève chaque jour, pour LUI, pour les patients, pour leurs familles...

     

    Il parlait des valeurs du service, des croyances de chacun, de respect du corps, de l'âme...

     

    Je suis sortie rassurée... Certains hommes sont encore capables de ne souhaiter le pouvoir que pour imposer l'excellence... Et le dépassement de soi... Alors oui, on avance, le progrès peut venir...


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