Le mieux quand la lassitude s'installe dans un poste c'est de changer d'air... Bien sur, l'herbe est rarement plus verte ailleurs mais on ne la connait pas...

 

Retour à mes premières amours... Aujoud'hui j'ai donc pris le chemin de l'usine pour "gens cassés"...

 

Mon inconscient m'a joué des tours, j'ai pris à gauche au lieu de tourner à droite et fait une heure de trajet en plus... Avec bien sur le stress d'arriver en retard...

 

Ensuite la journée a démarré sur les chapeaux de roues... DRH, tickets cantine, cartons de docs à transporter...

Bon, j'ai un bureau à ranger... Et pas de ma faute... C'était le bazar avant que j'arrive...

 

Les collégues m'ont rendu MES dossiers... Les surveillantes m'ont bizutées et les réa m'ont ignorée...

 

Mais il en fallait plus pour me démonter... La gentille (gentil n'a qu'à oeil! j'adore cette expression!) qui m'a fait visiter le service m'a emmenée, sans précaution oratoire,

- Voir une mourante (mais ma gentille collégue m'avait prévenue). Même pas peur...

 

- Puis une famille parlant anglais, pfuittt, c'est elle qui ne parlait pas!

 

- Puis un monsieur qui parlait sans le son,, et c'est elle qui ne l'a pas compris... J'ai traduis... Parce que je suis gentille MOI!!

Là, je l'ai sentie super impressionnée...

 

- Et pour finir, un monsieur angoissé par un dossier MDPH!! Finger in the nose!

 

Là, elle a abandonné et j'ai fini mon tour toute seule...

 

Là, j'avoue, j'ai dû avoir de la chance...

 

Ce soir, je suis fatiguée mmais sure d'avoir pris la bonne décision... L'usine des gens cassés, c'est mon élément...

 

 

En tant que fille distilbène chanceuse, je m'insurge contre la levée de l'anonymat des dons de gamètes à compter de 2013...

 

Oui, j'ai eu la chance, après traitement, de mener à presque terme, 3 grossesses et ce, malgré les caprices de mes ovaires, de mon col de l'utérus et de mon utérus contractille...

 

D'autres femmes n'ont pas eu cette chance, certaines en sont mortes... Les plus heureuses ont pu devenir mères biologiques ou adoptantes...

 

De nombreuses causes sont à l'origine  de la stérilité et parfois le don de gamètes X ou Y est LA solution choisie par les couples...

 

Or le législateur a décidé de réformer la loi protégeant l'anonymat des donneurs. A compter de 2013, le don sera nominatif... J'imagine qu'une protection du donneur sera organisée, notamment concernant la transmission de ses biens MAIS quel donneur aura envie de prendre le risque de voir débarquer 20 ans plus tard, un jeune homme ou une jeune femme lui annonçant façon Darkvador: "Je suis ton fils!"???...

 

Pas moi. Mon âge et mon état de santé ne me permettent plus de donner... Mais j'avais commencé les démarches pour le faire et j'avais été découragée par des lourdeurs administratives et des risques médicaux qui me semblaient mal gérés...

 

Mais honnêtement, dans 2 ans, même si mon corps et mon âge me le permettaient... Ce serait non... Pour moi, le don est anonyme ou il n'est pas...

 

 

Alors, tout n'est pas à jeter dans la modification de la loi de bioéthique, puisque le texte va permettre la recherche sur l'embryon dans des conditions ultraréglementées et permettra peut-être une avancée certaine dans le traitement de certaines pathologies...

 

Mais vraiment cette levée de l'anonymat me parait un retour en arrière... Une régression sociale...

 

Mais c'est mon avis et il n'engage que moi!

J'ai fait un petit tour chez Yann... L'infirmier dans la ville... On ne sait pas laquelle mais peu importe puisque, malheureusement, les situations sont transposables n'importe où en France...

 

Souvent, ses billets trouvent écho chez moi, sur le côté social... La plupart du temps, je me contente de commenter chez lui... Mais là, il parle de la dépendance et du rôle de la famille... Et la question posée est :

 

La dépendance d’un de ses membres est-elle une charge familiale oui ou non ?

 

Vaste débat...

 

Parce qu'il est impossible de répondre à la question de façon uniforme, juste et adaptée à toutes les situations...

 

Parce que chaque situation de dépendance est unique...

 

Bien sur, certaines pathologies ont une évolution similiaire, surviennent aux mêmes âges et occasionnent les mêmes difficultés de prise en charge... MAIS l'entourage du patient n'est jamais le même...

 

Et sa prise en charge va dépendre, tout à la fois, de l'évolution de la dépendance, de la cause de sa survenue, de sa composition familiale, de son lieu de vie, de son histoire avec les membres de sa famille, de leur acceptation du handicap, du vécu propre du patient de sa pathologie... La liste est non-exhaustive...

 

Mais alors bien sur, il y a des dénominateurs communs... La souffrance et l'épuisement de ceux qu'on appelle les "aidants naturels"...

Le terme aidant naturel désigne une personne ou un groupe de personne qui vit et agit dans l'entourage immédiat d'une personne malade, souffrante, ou en perte d'autonomie (WIKIPEDIA)

 

Il existe donc en France des "Groupes d'aide aux aidants"...  Ces groupes sont créés et animés en régle générale par des coordinations gérontologiques... Ils ont pour but d'accueillir, de soutenir, d'informer, conseiller et orienter les aidants... Ces groupes doivent leur permettre de sortir de l'isolement lié à la prise en charge d'un parent en situation de dépendance. Le partage d'une souffrance similaire peut leur permettre d'avancer vers l'acceptation de l'aide extérieure et aussi de mieux comprendre ce qu'ils vivent au quotidien...

Ces groupes sont constitués pour un nombre de séances précis et les membres du groupe ne changent pas.

 

Sauf qu'il ne faut pas rêver... Ses groupes ne constituent pas un lieu de thérapie... C'est un lieu de rencontre... Les professionnels qui animent peuvent choisir de faire intervenir des professionnels extérieurs (psy, psychomot, orthophoniste...)... Un théme différent est abordé à chaque séance.

Et personne ne sort sa baguette magique...

 

Ce que j'ai retenu de l'animation de ces groupes c'est que:

 

- L'aidant finit toujours par avoir tort (aux yeux de sa famille)

- L'aidant finit toujours par s'épuiser.

 

Ce qui me permet de répondre à une partie de la question... NON, la dépendance ne peut pas être une charge seulement familiale... Parce que sinon on arrive à des situations catastrophiques comme celle que je vous avais racontée là.

 

La charge du maintien à domicile est à la fois financière et psychique... Les deux sont imbriqués, parfois les nécessités de la première entraîne le déréglement du second...

 

C'est compliqué... Surtout dans les familles nombreuses, quand ses membres se reposent sur un seul qui va tout gérer... Jusqu'à ce que cela aille mal... ET là, tout le monde lui reprochera ce qu'il a fait...ou pas...

 

C'est épuisant, parce qu'il n'y a jamais de vacances, et surtout pas d'avenir, pas d'espoir... Un parent épuisé par un enfant qui ne fait pas ses nuits sait que bientôt, ça cessera... Au moins avant ses 18 ans... Un parent d'adulte handicapé ne sait pas quand viendra la fin... et puis il la redoute, il l'espère, et il culpabilise de l'espérer...

 

Il est donc IMPOSSIBLE et INHUMAIN de laisser une famille gérer seule une situation de dépendance... Même si cela se faisait autrefois...

 

Parce que le monde change... Notre prise en charge doit évoluer...

 

 

 

AEMO et après...

Action Educative en Milieu Ouvert judiciaire... Tout ça pour dire qu'un service d'éducateurs va être mandaté par un juge pour accompagner une famille dans ses difficultés éducatives auprès de ses enfants...

ça me laisse perplexe mais avais-je une autre solution?

La conscience professionnelle, l'ouverture de parapluie Ou Comment un accompagnement de la maladie se termine dans le bureau du juge pour enfant...

La 1ere fois que je l'ai rencontrée, j'ai tendu la main pour la saluer, son dossier disait qu'elle était paraplégique. Elle n'a jamais pris ma main... La maladie avait évolué, le handicap avait gagné du terrain... Tétraplégique elle était.
Cette jolie jeune femme, souriante, n'attendait plus mon aide... Elle s'était déjà beaucoup battue, son logement était aménagé...
On a pris le café, apporté par l'auxiliaire de vie, j'ai sucré le mien... Commencé l'entretien... Elle souriait... Elle racontait un peu... Enfin, j'ai compris, j'ai sucré SON café et j'ai approché la paille de sa bouche... Regards complices... EMPATHIE, la relation d'aide était née...

On a parlé du quotidien, des difficultés, sans fausse pudeur pour elle... Mais quand on attend tout de l'autre, peut-il y avoir encore de la pudeur?
VIOLENCE...
Pour moi, le travailleur social, distance... Je pourrais être elle, elle pourrait être moi... ALARME... Si je projette, je n'aide plus...
On revient au concret... Vous avez besoin d'aide pour quoi, de qui...DISTANCE...

Pour tout, imagine lecteur, tout ce que tu fais au quotidien, brosser tes dents, manger, te laver, prendre un bouquin, s'occuper des enfants... TOUT... Elle ne pouvait plus, enfermée dans son corps... ANGOISSE...

Alors j'ai expliqué la PCH, prestation de compensation du handicap, on a discuté le plan d'aide, le nombre d'heure, l'implication du mari, ses besoins, ceux des enfants... La quotidien minute par minute... DETAIL...

On s'est revue, plusieurs fois... Chaque fois, elle a dévoilé un peu plus... Parfois j'ai lâché de moi... Oui j'ai aussi des enfants... INTIMITE...

Le quotidien s'est régulé doucement, avec un peu plus d'aide, un peu plus de liberté pour le mari... Les questions essentielles ont été abordées, la mort, la succession, l'avenir des enfants... ACCOMPAGNEMENT...

Et puis son état de santé s'est dégradé... URGENCE... Le mari s'est épuisé, il a craqué... SOUTIEN...Le plan d'aide a été augmenté, la famille s'est montrée plus présente, plus aidante mais quand l'aidant principal sombre... DEPRESSION...

DANGER...La relation du couple s'est dégradée... VIOLENCE... J'ai dû signaler au procureur pour protection de la personne vulnérable... RUPTURE...

La relation d'aide a continué, avec l'un et avec l'autre... Chacun restant sur sa souffrance et accusant l'autre... La vie de couple n'est pas un conte de fée... Les enfants sont devenus un enjeu... J'ai reposé des limites... COLERE...

J'ai proposé des solutions extérieures... MEDIATION... Mais la situation était trop sensible, trop fragile, les enjeux trop importants...Les enfants sont restés en souffrance... Souffrance de ne pas être autorisés à aimer les deux parents également... Souffrance de voir dévoiler l'intimité parentale qui devrait toujours rester mystérieuse... ECHEC...

De nouveau, j'ai signalé, pour demander de l'aide, pour les enfants, pour les parents, pour le travailleur social que je suis...PROTECTION...

Le procureur s'est saisi, le juge nous a reçus... CONVOCATION... Il a recentré le rôle des parents, appelé à la responsabilité des parents au-delà de leurs rancœurs et de la souffrance, au delà de la peur, au delà de la mort...Et il a suivi mon évaluation... Il a posé sa décision... AEMO...  Et après...

Ce soir, je suis soulagée...Soulagée de ne plus devoir être seule dans la situation, soulagée de pouvoir reprendre MA place d'assistante sociale spécialisée santé... Soulagée de reprendre uniquement le volet "accompagnement du soin palliatif"... Mais malgré l'expérience, la distance professionnelle, le "juste" recul... Cette situation m'a marquée... Marquée professionnellement mais aussi personnellement... Parfois, je me dis que j'ai entendu des choses, recueilli des paroles que même mon mari ne me dirait pas... Le handicap mène parfois à une trop grande intimité, une trop grande proximité... Et je crois qu'on y est jamais préparé... REGRET.

POUR LA RECONNAISSANCE DU DE ASSISTANT DE SERVICE SOCIAL à BAC + 3