• Ahh la protection de l'enfance... On mélange ça pèle-méle avec toutes nos autres missions d'accompagnement... Comme si c'était aussi simple...

     

    Alors, oui on fait la différence entre la mission et le mandat... Chaque assistant social a une mission de protection de l'enfant... Mais au même titre que n'importe quel citoyen en capacité physique de taper le 119 sur un téléphone... Et puis il y a le mandat quand on exerce dans un service spécialisé dans le suivi de l'enfance en danger...

     

    Alors il existe des dispositifs, des méthodes de prises en charge... Plein de bonnes intentions et beaucoup de lenteur... Résultat... L'assistante sociale de l'hôpital interpelle le juge en juillet pour une simple délégation d'autorité parentale pendant l'hospi de la mère.... ET... un travailleur social de la CRIP (cellule de recueil des informations préoccupantes) s'excuse fin septembre dela contacter aussi tard...

    Ben heureusement qu'il n'était pas en danger le mouflet... Parce que sinon... y'a pas le feu...

     

    Mais bon, quand il y a coups, abandons, décès ou incapacité physique des parents... C'est relativement simple, on a des preuves, de la matière et l'espoir que le procureur se saisisse de l'affaire...

     

    Mais quand il y a maltraitance psychologique, c'est beaucoup plus délicat... L'enfant qui travaille bien, s'adapte à toutes les situations, ne présente pas de symptôme évident, on est bien embêté...

    Les grands-parents signalent un cadrage brutal de l'enfant, des brimades, des moqueries... Une éducation sans douceur... Sans patience... Sans droit à l'erreur... Et puis on note la fébrilité du père, l'apathie de la mère...

    On oriente chez le psychologue... On conseille... Mais finalement, la marge de manoeuvre est bien restreinte...

    Il ne reste plus qu'à espérer que la capacité de résilience de l'enfant lui permettra de s'en tirer pas trop mal à l'âge adulte... Et de ne pas devenir lui même un parent toxique...

     

    ça vous laisse un sentiment de travail non achevé... De médiocrité de la prise en charge... Et puis sans cesse ces questionnements de remise en question: Suis-je une mère suffisament bonne pour évaluer??

     



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  • Il est de ces journées où, finalement, on regrette d'avoir sorti la tête de sous la couette... La réalité du quotidien nous rattrape et, malgré le soleil, on a hâte que la nuit tombe de nouveau...

     

    Ca a commencé avec mon grand... "J'irai pas, j'prendrai pas le bus"... Ah oui, mais non, le collége n'est pas une option... Il pleure... "Il va encore me frapper"... Arfff, ça recommence... J'en ai assez de ces mouflets qui considèrent la violence comme une solution... Et qui accessoirement profite de leur avantage physique pour harceler les plus faibles...

    8 heures: Je préviens le CPE... Le mari râle: "vaudrait mieux qu'il règle le problème sinon je vais aller à la sortie du bus!"

    Hum oui, bonne idée... Mais non... On ne menace pas un môme de 11 ans... Même si c'est un sale gosse... Nous sommes adultes... N'est-ce pas mon chéri? Grognement non convaincant en guise de réponse... "S'il touche ENCORE à MON fils"....

    Oui?....

    Mais NONNNN, je vais régler le problème...

     

    9 heures: Ainé déposé à l'école... Solution en cours... ça c'est fait...Check!

     

    On va pouvoir boire le café tranquille... Oui... Mais non...

     

    On enchaîne, une place en SSR... Mais pas dans le lieu souhaité... Peut-être mais on a besoin du lit... Et la patiente de sa rééduc... Négociation, compromis... La patiente partira...

    ça c'est fait... Check!

     

    Et ça sonne encore... La soeur d'une patiente... Et mon café là?????!!! Oui... Ben Non...

    J'écoute: oui le dossier IJ est fait... Depuis une semaine... Le WE s'est bien passée... Oui... Mais NONNNN... Signalement... Heu... pourquoi ai-je choisi une structure adulte déjà?? Ah oui la protection de l'enfance, on en fait pas... Si?? Ben non...

     

    ça c'est pas fini... Check

     

    Evaluation en cours... La journée de demain (enfin d'aujourd'hui) s'annonce pire...

     

    Et ça sonne toujours... L'ARC (attaché de recherche clinique) me bouscule mon programme de fin de semaine... Tu ne peux pas t'organiser un peu Cocotte??? Grrrrr???!!! Bon c'était ma voix Off mais la "ON" était à peine plus aimable... Juste plus polie...

     

    ça s'est dit... Check

     

    Le rendez-vous du patient de l'hiver dernier qui a paumé tous ses papiers pour sa RQTH (reconnaissance en qualité de travailleur handicapé) et qui a décidé que mes photocopies ne lui suffisaient pas... Et bien vous verrez avec la médecine du travail et point... Je vous ai orienté vers l'ASE de la CRAM, si vous n'y allez pas, je ne peux rien pour vous...

     

    ça s'est dit aussi... Check....

     

    Et le téléphone sonne... "T'es où????" "Au bout de mon téléphone".... Mouhahahaha... Non le café je n'ai pas le temps... Pas perdu mon sens de l'humour...

     

    Dringggggg... Le mari... (après la soeur...)... Heu, vous êtes une famille nombreuse??? (Nannn, j'rigoleeee, j'ai pas dit ça.... Mouhahahahaha) .... L'humour... Hein?? Vous suivez???

     

    NE PAS PERDRE SON SENS DE L'HUMOUR CHECKKKKK

     

    Donc, je disais... Le mari... Fébrile... Qui ne sait pas ce que je sais... Mais qui voudrait bien savoir si je le sais... Mais qui essaie de me faire croire que tout va bien... Hum hum... Et le rendez-vous chez le psy, il est pris??? Parce que moi et la protection de l'enfance blablablabla...

    Réponse: "vous êtes bien plus maligne que je ne le pensais..." Et oui... Je fais la blonde mais pas que...

     

    Toujours garder le sens de l'humour... Ou de la dérision n'est-ce pas??

     

    Faire comprendre que l'évaluation psy pour l'enfant n'est pas une option, ça s'est fait aussi!! Check!

    Demander conseil à sa chef... Faige bugger le téléphone...

    Rencontrer, la MDPH (ah faites Google là flûte!!) et son "travailleur social" pour un autre patient... Reexpliquer les démarches pour la 12000000ème fois à sa vieille mère... Grrrrr

     

    ça c'est fait et bon sans doute à refaire... Check!

    Reprendre la communication avec sa chef... Faire bugger le téléphone

    Assister à une LATA (google j'ai dit grrrr)... Comprendre que le patient est presque déjà mort... Enfin dans sa tête... Brrrr... Rencontrer la compagne... Soutenir, expliquer, consoler, orienter, regarder l'heure qui tourne (et mes gosses, je m'en occupe quand?)...

    Se faire engueuler par sa chef: " Vous partez quand??!!" .... j'sais pas... Et vous???

    Contacter la loge pour qu'ils cherchent un aumonier... "Vous le voulez comment??"

    "Heu ben Jeune, sexy et servi sur un plateau, non??"... (c'était la voix off chuttt) C'est pas la bonne réponse?? Ah oui... Tout de suite ET Catholique je le veux...

     

    L'humour... Vous suivez??

     

    Mettre son manteau et accueillir le représentant du culte... Téléphoner aux enfants pour qu'ils prennent leur bain... Appeler le père pour savoir s'il est rentré... Check check checkkkkk

    Envoyer un mail à la chef sur l'heure du départ...

    Et puis rentrer et entamer la deuxième journée: repas, lessives, verif en tout genre... Et puis câliner, conseiller, consoler, écouter.... blablablabla....

     

    Se coucher... Et revivre sa journée... CHECKKKKK!!




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  • Il était une fois une jolie famille, un papa, une maman, deux petits garçons... Sans autres difficultés que celles du quotidien... Une famille comme beaucoup en rêvent...

     

    Et puis le téléphone qui sonne un jour, l'école... Devoir aller chercher son enfant... Troubles de la marche... Et puis le diagnostic... Fatal... Sans appel... Et puis la mort de l'enfant, 4 mois plus tard...

     

    Une vie de rêve qui tourne au cauchemar...

     

    Un monde qui s'écroule...

     

    Et puis la nécessité de survivre... Pour ceux qui restent... Pour l'enfant qui reste...

     

    Mais parfois la tentation de rejoindre celui qui est parti est plus forte... L'appel de la mort, de l'apaisement de cette souffrance sans nom... Ne plus penser, ne plus pleurer, ne plus rien savoir, faire taire cette douleur atroce, celle de l'absence de l'enfant...

     

    Et puis l'entourage qui est présent, l'amour, l'appel de la vie... La sirène des pompiers, la réanimation, l'obligation de vivre... Parce que ce n'était pas le jour, ni l'heure... ELLE est venue... On l'a chassée...

     

    Mais non sans mal... Et sans doute pas sans séquelles... Psychologiques, physiques, familiales...

     

    Et l'équipe se soude autour de cette famille qu'il faut soutenir. Chacun tente de mettre à distance ses peurs, ses faiblesses... Penser professionnel uniquement... Ne pas se projeter... Ne pas pleurer...

     

    Mais l'angoisse rôde... Comment ne pas imaginer les violences subies par cette famille... Et si cela avait été MON enfant... Les larmes menacent... Les démarches administratives permettent de ne pas perdre pied... Rester empathique... Garder sa distance...

     

    Et la nuit revivre tous ses cauchemars, se réveiller en pleurant, en priant pour que jamais la roue ne s'arrête sur nous...

     

    Souhaitons leur l'apaisement... Et peut-être aussi prions ce Dieu si injuste...


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  • Me voila donc de retour dans la vraie vie, celle où l'on meurt parfois... En vacances, j'essaie d'oublier , parfois j'y parviens...

     

    Au quotidien, c'est impossible, dans le service où je travaille, Elle rode, attend son heure et emporte son tribu...

     

    De retour, donc, fraiche et guillerette... Toute neuve de ces mauvaises nouvelles qui pouvaient m'attendre... J'avais été raisonnable et je n'avais pas lu le mail de transmissions... Une premiere...

     

    En bas du bâtiment, j'ai commencé par taper la causette avec un ancien patient... En grande phase d'amélioration, un brin bavard et charmant... On a parlé de sa rééduc, de la pluie, du beau temps et de la rentrée des enfants...

    Ma gaité n'a même pas été entamée par les rabats-joie croisés en gagnant mon bureau... Et puis j'ai allumé l'ordi et la réalité m'a peu à peu rattrapée...

     

    Décès en attente... Famille à voir... Compagne à recevoir... Compagne? Je croyais que c'était une dame la patiente?? Oeil interloqué de la secrétaire... Ben c'est possible, elles sont pacsées... Oui, Oui mais je planais...

    Alors, je prends connaissance de la situation... Incendie... Plus d'activité cérébrale a priori... Diagnostic à confirmer mais le pronostic est très mauvais...

     

    Je lis le rapport des pompiers... J'ai du mal à comprendre les circonstances de l'incendie, chacun me donne une partie d'une version de l'accident... Qui n'en serait pas un...

     

    Je rencontre la famille, prépare la fin de vie, j'explique, j'oriente, je parle des vêtements qu'il faudra apporter... J'aborde les souhaits de la mourante... Le représentant du culte, les obsèques... Je parle doucement, lentement, je caresse une main, fais des pauses... J'écoute les silences... Et puis je sollicite la présence de la compagne, rappelle ses droits... Et le silence se fait plus éloquent...

    Et puis, à travers les mots et les non-dits, je comprends que ce n'est pas l'homosexualité qui est rejetée mais la complexité de leur relation... J'entends la peur de ce qu'ils ne savent pas, de ce qu'ils ont perçu, de ce qu'elles ont laissé voir...

     

    Alors je reçois la compagne seule, j'écoute sa colère... Sa culpabilité qu'elle s'efforce de nier, sa peur, sa jalousie et aussi leur violence... Une relation qui s'étiole petit à petit, des mélanges d'alcool et de médicaments pour faire taire les maux... Mais aussi ces mots qui dépassent la pensée, la violence de l'impuissance, de la frustration, de l'immaturité affective...

     

    Mais dans ce couple de femmes, la force physique est égale, la force morale n'est pas calculable puisqu'une seule aura désormais la parole... Alors, je hièrarchise les priorités... Les violences conjugales entrainent la mort, c'est vrai... Mais dans ce cas présent, il sera difficile de savoir ce qu'il s'est passé ce soir là...

    L'urgence ce sont les obsèques, pour permettre à la défunte, qui s'est envolée au cours de nos entretiens, de reposer en paix... Et aussi d'offrir à chacun l'accompagnement qui apportera l'apaisement de la souffrance du deuil...

     

    Le dernier entretien aura été celui de la médiation... La famille et la compagne, dans mon bureau... Et devant les désaccords, j'ai pris le problème à l'envers... En commençant par le lieu du recueillement pour terminer par la cérémonie religieuse et le choix des vêtements...

    Chacun a fait un pas vers l'autre... Trouvé un compromis vers le concensus...

     

    La famille sera libre de faire suivre l'enquête... J'ai gardé mon intime conviction... Je suis là pour accompagner, pas pour juger...


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  • Lui dans son lit d’hôpital attend l’extubation… A 80 ans, il est tétraplégique… L’accident survenu 20 ans plus tôt a fini par le clouer à son lit…

     

    Elle, dans mon bureau, cherche les solutions pour un retour rapide à la maison… Elle dit tout son amour… A 79 ans, c’est encore une femme magnifique…

     

    Et elle raconte… Je le reçois comme un cadeau…

     

    Enfants, ils passaient leurs vacances dans le même village… Une enfance heureuse de l’avant guerre… Pour elle le luxe des enfants de colons, pour lui celui des enfants de notables…

    A 16 ans, dans la chaleur d’un bal, commence leur histoire d’amour… Il lui promet de l’épouser, elle lui jure un amour éternel…

     

    Puis vient le service militaire, une lettre par jour, des colis, rien n’est trop bon pour cet homme qu’elle attend…

     

    Et puis dans la fougue de la jeunesse, il lui écrit qu’ils ne se marieront pas dès son retour, qu’il veut profiter de la vie, s’amuser…

     

    Folle de douleur et de colère, elle épouse un courtisant plus âgé… Elle ne l’aimera pas, toute sa vie, il lui fera subir sa jalousie face à l’amour qu’il sait qu’elle éprouve pour un autre… Mais viennent les enfants… La vie continue…

     

    Lui, rentre à Paris, apprend son mariage… Puis cherche un erzast de cet amour perdu… Il épousera sa sœur… Viendront aussi les enfants… Une vie de luxe mais sans amour… Il ne l’aime pas… Elle le trompe, vit la grande vie…

     

    Le mari de l’une empêchera les sœurs de se voir… Les années passent…

     

    Vient l’accident, pour cette sœur si insouciante, si jolie…

     

    Les amoureux se retrouvent… Il est veuf… Elle est mariée… Son mari lui dit depuis des années que la porte est ouverte… Elle part…

     

    Commence alors une belle lune de miel… Puis l’accident, de l’homme tant attendu, tant rêvé…

     

    Alors elle va le protéger, l’aimer, le choyer… Et nous supplier de le sauver… Pour le garder… Encore un peu…


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