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    AEMO et après...

    Action Educative en Milieu Ouvert judiciaire... Tout ça pour dire qu'un service d'éducateurs va être mandaté par un juge pour accompagner une famille dans ses difficultés éducatives auprès de ses enfants...

    ça me laisse perplexe mais avais-je une autre solution?

    La conscience professionnelle, l'ouverture de parapluie Ou Comment un accompagnement de la maladie se termine dans le bureau du juge pour enfant...

    La 1ere fois que je l'ai rencontrée, j'ai tendu la main pour la saluer, son dossier disait qu'elle était paraplégique. Elle n'a jamais pris ma main... La maladie avait évolué, le handicap avait gagné du terrain... Tétraplégique elle était.
    Cette jolie jeune femme, souriante, n'attendait plus mon aide... Elle s'était déjà beaucoup battue, son logement était aménagé...
    On a pris le café, apporté par l'auxiliaire de vie, j'ai sucré le mien... Commencé l'entretien... Elle souriait... Elle racontait un peu... Enfin, j'ai compris, j'ai sucré SON café et j'ai approché la paille de sa bouche... Regards complices... EMPATHIE, la relation d'aide était née...

    On a parlé du quotidien, des difficultés, sans fausse pudeur pour elle... Mais quand on attend tout de l'autre, peut-il y avoir encore de la pudeur?
    VIOLENCE...
    Pour moi, le travailleur social, distance... Je pourrais être elle, elle pourrait être moi... ALARME... Si je projette, je n'aide plus...
    On revient au concret... Vous avez besoin d'aide pour quoi, de qui...DISTANCE...

    Pour tout, imagine lecteur, tout ce que tu fais au quotidien, brosser tes dents, manger, te laver, prendre un bouquin, s'occuper des enfants... TOUT... Elle ne pouvait plus, enfermée dans son corps... ANGOISSE...

    Alors j'ai expliqué la PCH, prestation de compensation du handicap, on a discuté le plan d'aide, le nombre d'heure, l'implication du mari, ses besoins, ceux des enfants... La quotidien minute par minute... DETAIL...

    On s'est revue, plusieurs fois... Chaque fois, elle a dévoilé un peu plus... Parfois j'ai lâché de moi... Oui j'ai aussi des enfants... INTIMITE...

    Le quotidien s'est régulé doucement, avec un peu plus d'aide, un peu plus de liberté pour le mari... Les questions essentielles ont été abordées, la mort, la succession, l'avenir des enfants... ACCOMPAGNEMENT...

    Et puis son état de santé s'est dégradé... URGENCE... Le mari s'est épuisé, il a craqué... SOUTIEN...Le plan d'aide a été augmenté, la famille s'est montrée plus présente, plus aidante mais quand l'aidant principal sombre... DEPRESSION...

    DANGER...La relation du couple s'est dégradée... VIOLENCE... J'ai dû signaler au procureur pour protection de la personne vulnérable... RUPTURE...

    La relation d'aide a continué, avec l'un et avec l'autre... Chacun restant sur sa souffrance et accusant l'autre... La vie de couple n'est pas un conte de fée... Les enfants sont devenus un enjeu... J'ai reposé des limites... COLERE...

    J'ai proposé des solutions extérieures... MEDIATION... Mais la situation était trop sensible, trop fragile, les enjeux trop importants...Les enfants sont restés en souffrance... Souffrance de ne pas être autorisés à aimer les deux parents également... Souffrance de voir dévoiler l'intimité parentale qui devrait toujours rester mystérieuse... ECHEC...

    De nouveau, j'ai signalé, pour demander de l'aide, pour les enfants, pour les parents, pour le travailleur social que je suis...PROTECTION...

    Le procureur s'est saisi, le juge nous a reçus... CONVOCATION... Il a recentré le rôle des parents, appelé à la responsabilité des parents au-delà de leurs rancœurs et de la souffrance, au delà de la peur, au delà de la mort...Et il a suivi mon évaluation... Il a posé sa décision... AEMO...  Et après...

    Ce soir, je suis soulagée...Soulagée de ne plus devoir être seule dans la situation, soulagée de pouvoir reprendre MA place d'assistante sociale spécialisée santé... Soulagée de reprendre uniquement le volet "accompagnement du soin palliatif"... Mais malgré l'expérience, la distance professionnelle, le "juste" recul... Cette situation m'a marquée... Marquée professionnellement mais aussi personnellement... Parfois, je me dis que j'ai entendu des choses, recueilli des paroles que même mon mari ne me dirait pas... Le handicap mène parfois à une trop grande intimité, une trop grande proximité... Et je crois qu'on y est jamais préparé... REGRET.


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