• Apprendre à vivre avec...

     

    Cruel dilemme s'il en est...

     

    Car la réalité est bien plus pragmatique, le choix n'existe pas... On fait comme on peut avec ce qu'on est et le cheminement qu'on a suivi...

     

    La résilience est parfois au bout du chemin mais ça reste un phénomène presque aléatoire... Fonction de ce que l'individu pourra absorber et digérer de ses traumatismes...

     

    L'ironie veut qu'en cette veille d'Halloween, fête "joyeuse" et anglo-saxonne que nos enfants semblent adopter avec plaisir, je ne peux m'empêcher de revivre cette dernière soirée d'il y a 27 ans où ma vie a basculé...

     

    Il est étrange de constater comme certains évènements peuvent cristalliser des souvenirs... Fossiliser des images qui habituellement ne laissent aucune trace... Je suis souvent dans l'incapacité de me rappeler ce que j'ai mangé la veille ou de retenir le titre du livre que je suis en train de lire...

    Pourtant, ce 31 décembre d'il y a 27 ans, je m'en souviens mieux qu'hier... Je me souviens du feu qui brûlait dans la cheminée, de mes parents ne se disputaient pas (ce qui constitue un événement en soi), que le TF1 passait Dallas... De mon oncle  passé à la maison avant d'aller pêcher... De ma mère lui conseillant d'être prudent...De sa réponse: "A demain... Ou peut-être à jamais!".

     

    Boutade ou clairvoyance?

     

    Tout ce que je sais, c'est que le téléphone a sonné dans la nuit... La police... Annonçant à ma mère que "Ses frères étaient disparus en mer"...

     

    Il a fallu des heures pour les retrouver le 1er novembre... Là encore, je me souviens... Des informations en boucle sur RF3, de mon petit cousin parti chez sa nounou... De ma peur, de ma solitude d'enfant qui entendait tout mais à qui on n'expliquait rien...

    Je me souviens du chagrin, de l'angoisse et puis de la réalité qui tombe, de l'hélicoptère qui remonte les corps sans vie... Des cris, de la douleur...

     

    Ils étaient si jeunes, si plein de vie, si proche de moi...

     

    Je me souviens de ma colère, de mon sentiment d'abandon, de ces adultes qui pensaient que je ne ressentais rien... Et puis la peur, le choc, la découverte de la mortalité...

     

    Plus jamais notre vie n'a été pareille ensuite... Mon monde déjà fragile s'est effondré... Le chagrin est entré dans la famille, la peur de l'eau, de la mort et même de la vie...

     

    Aujourd'hui, j'ai renoncé à la chasse aux fantômes, mais je ne crois pas les avoir apprivoisés non plus...

     

    Ils mettaient toujours plein de bonbons dans mes poches mais ils n'ont laissé que les sorts...


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  • Et rester professionnelle...


    Parce que finalement, parfois, on a pas d'autre choix que de mettre ses affects dans sa poche... Même si c'est un peu trop lourd à porter...


    Alors cette dame, après le repos du week-end, quand l'équipe soignante m'a signalée qu'elle avait pleuré tout le week-end, il m'a bien fallu aller examiner sa NON-demande d'aide...


    D'abord, elle m'a gentiment dit qu'elle n'avait besoin de rien... Et puis son mari non plus... Et puis en fait, elle allait bien.. Malgré sa difficulté à respirer, malgré son regard angoissé, malgré son extrême fatigue...


    Et j'ai insisté... Parce que parfois c'est nécessaire de forcer les défenses... J'ai demandé à rencontrer le compagnon... Seul...


    Responsable... Digne... Comme elle... Parfaitement informé... Sur la maladie... Parce que... Pour le reste... Certaines doivent avoir les mêmes failles que moi...


    Face à cette terrible maladie, les questions essentielles n'avaient pas été abordées... Celles de l'avenir, de l'après, de l'aspect financier... Sordide... Peut-être...

    Mais je fais partie de ces gens qui pensent qui "si l'argent ne fait pas le bonheur, il y contribue"... Et que dans le chagrin, s'il faut en plus se demander comment faire manger les enfants, on EST dans l'insupportable...

    Alors, j'ai vérifié les droits, la situation administrative... L'absence de mariage... Pas vraiment un choix... Un concours de circonstance... On y pense mais on a pas les sous... Et puis les enfants arrivent, on a plus le temps... Et puis la maladie, les traitements lourds... Les cheveux qui tombent... Les priorités changent... Un jour... Un jour on le fera...


    ALors j'ai expliqué pourquoi c'était mieux... Le médecin a été clair sur le pronostic... Et puis le choix c'est imposé...

     

    Il a fallu organiser un mariage... Mariage "in extremis"... Notre administration a le don de choisir ses mots... Quand on édulcore le soin palliatif en convalescence... Elle énonce, brute, les conditions d'un mariage à l'hôpital... Alors on adoucit... La cadre de santé autorise les visiteurs plus nombreux, le bouquet de fleurs, les vêtements...

    On se fait tout petit... On fait oublier les machines... Les mots et les maux qui font mal...

     

    Et puis on met un mouchoir sur son propre ressenti... Parce que ce n'est pas l'urgent, ni l'essentiel...

     

    Et puis on rentre chez soi... Dévastée mais contente d'avoir fait passer l'intérêt premier de la patiente avant son propre besoin de protection...

     

    http://s.tf1.fr/mmdia/i/50/1/alliances-sur-rose-blanche-appel-a-temoins-la-mariee-3319501vvjex_1511.jpg?v=1


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  • et les accepter...

     

    Elle a une petite trentaine, deux enfants et cette maladie qui nous fait toutes courir... Pour la Parisienne, avec Odysséa... Cette maladie affichée en grand sur les panneaux publicitaires...Celle du ruban rose... Celle qui faut dépister vite pour qu'elle ne nous emporte pas... Celle qui nous mord dans notre féminité... Celle...

     

    Celle qui a emporté ma mère...

     

    Pourtant, chaque jour, je suis confrontée à la maladie, au handicap, à la violence de la douleur... Pourtant, chaque jour, mon envie de vivre est plus forte que toutes ces horreurs... Pourtant, je ris, je vibre, je combats ces angoisses qui me rattrapent parfois... Surtout, ne pas être une mère malade ou absente ou .............. morte... Surtout, ne pas laisser ces fantômes me bouffer la vie...

     

    Déjà, au café, ma collègue qui me fait la transmission de l'admission de la patiente me voit faillir... les larmes ne sont pas loin...

     

    Mais je me dis qu'il vaut mieux affronter ses peurs...

     

    La visite commence, patient après patient, la confiance revient, je peux assumer, je suis professionnelle, je ne projetterai pas...

     

    Et puis au lit de la patiente, l'énergie concentrée contre mes démons m'empêche d'entendre la réalité de la situation, je suis ailleurs, je suis loin... Les larmes jaillissent, je m'éloigne, puis je reprends le fil de la visite... Déconnectée, épuisée... Vaincue...

     

    J'appelle une collègue, elle fera l'entretien... Ce sera MA démarche professionnelle...

     

    Et me transmettra...

     

    Que la patiente est bien prise en charge, qu'elle va aussi bien qu'elle le peut, que sa famille est près d'elle, qu'elle n'aura pas besoin de l'intervention du service social...

     

    QU'un jour, peut-être, elle ira mieux...

     

    En attendant, vous connaissez le message:

     

    http://ts3.mm.bing.net/images/thumbnail.aspx?q=1251686292342&id=65e36e8816c70bd83f142bce987bcd2a&url=http%3a%2f%2fpascalvittori.com%2fwp-content%2fuploads%2f2009%2f03%2fbreastcancer.jpg


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  • C'est bien connu, l'assistante sociale reste zen en toutes circonstances... Elle peut tout entendre, essuyer la colère de la terre entière, comprendre, assister, consoler, faire de la médiation...

     

    Oui mais, j'ai un scoop... L'assistante sociale est un être humain... Parfois, elle est fatiguée, fragilisée, irritée... Parfois? Souvent même...

     

    Dans un service hospitalier, l'AS peut être aidante, facilitatrice... Mais aussi poser les limites d'une hospitalisation et provoquer la sortie...

     

    Et là, le rôle est moins drôle..

    Lors d'hospitalisation de longue durée, certaines familles trouvent une forme de confort à l'hospitalisation... Elle rassure... Surtout dans un service où les médecins sont présents 24h/24h...

    Le fantasme de la toute-puissance face à la mort qui rôde...

    Surtout quand on ne veut pas entendre le glas de la maladie invalidante, évolutive...

     

    Alors quand on annonce la prévision de la sortie même à trois semaines, on s'entend dire que:

    - Rien n'est prêt à la maison... (heu ben il se passe quoi depuis 3 mois...)

    - Maman travaille à la maison et ne va plus pouvoir le faire (heu ben, et avant alors?)

    - Qu'il n'y aura pas de kiné... (et qui me disait il y a 5 minutes que l'équipe ne faisait rien...)

    - Que le patient n'est pas guéri... (ben non, le doc a perdu sa baguette magique...)

    - Que ce n'est pas le projet défini au départ... (ah c'est vrai?? On a prévu de changer la réa en centre d'hébergement?)

    - Que le divorce n'est pas prononcé... (en même temps, ça fait 10 ans que ça dure...)

    - Que nous sommes violents, inhumains, impossibles... ( eh eh la porte est ouverte...)

    ... Liste non exhaustive... les reproches ont duré 40 minutes...

     

    Au fil de l'entretien, je me suis sentie me liquéfier... Face à l'impossibilité de fuir ou d'exploser, dans l'obligation de subir... J'ai eu l'impression de faire la tortue...

    VITE... Rentrer la tête dans ma carapace, ne plus voir, ne plus entendre, ne plus sentir... Ne plus souffrir...

     

    J'ai eu envie de crier, de pleurer, de balancer des horreurs... Mais heureusement (ou pas...) le vernis de la formation a eu raison de moi...

    Alors j'ai entendu et attendu...

     

    Et puis j'ai repris, sur la sortie, sur la colère, sur les difficultés d'aval, sur la nécessité pour le jeune de reprendre une vie civile... à la maison... avec les siens... même dans un lit médicalisé... même avec la trachéotomie et l'assistance respiratoire... même avec ... même...

    Et puis, on a changé les objectifs de l'entretien, abordé l'intérêt de la recherche génétique pour la fratrie... Supporté le déni: " oh mais lui aussi il aura des enfants, c'est possible!"...

     

    Oui, beaucoup de choses sont possibles en 2011... Mais sont-elles souhaitables?? Mais ça, c'est la voix OFF qui parle... Le déni, je le laisse à la psychologue... Y'a trop de moulins... Et je ne suis pas Don Quichotte...

     

    Au final... La famille a gagné 15 jours sur la sortie... Et puis la mère s'est excusée... Me signifiant que toutes ses critiques n'étaient pas pour moi... Mais qu'il fallait bien qu'elles sortent... Et que moi, je prends le temps d'entendre... Et elle, de ne pas vouloir comprendre qu'on forme une équipe... Que j'ai ma part de responsabilité dans l'annonce de la sortie...

     

    Et de me faire violence, encore, après les récriminations en me serrant dans ses bras contre mon gré, parce que vous: "Je vous aime, on peut tout vous dire"...

     

    NONNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNN

     

    (entretien non digéré, j'y reviendrai...)

     

     

     

     


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